Un film d’Emmanuel Poulain-Arnaud
Pour son troisième long-métrage (après Les Cobayes en 2020, puis Le Test en 2021), Emmanuel Poulain-Arnaud a convoqué une belle brochette de comédiens. Audrey Fleurot, Dany Boon, Nicolas Marié ou encore Camille Solal, sans oublier Ewan Bourdelles, le véritable héros du film.

Regarde est une relecture du film mexicain Ya veremos, réalisé par Pedro Pablo Ibarra en 2018, dans laquelle un couple divorcé devait se retrouver afin d’organiser l’opération de leur fils, faute de quoi il perdrait la vue. Regarde débute comme une comédie française légère-type : le couple divorcé, Christ et Antoine (Audrey Fleurot et Dany Boon) n’entretient pas les meilleurs rapports du monde, la moindre étincelle fait mouche, chaque remarque est prétexte à engueulade. Au milieu se trouve Milo, leur fils de 16 ans, qui, aimé profondément par ses parents, a pris l’habitude de ces chamailleries et ne s’en formalise pas.
Seulement voilà, alors que Milo s‘apprêtait à partir faire du surf avec ses potes au bord de la mer, il se rend compte que sa vue s’est dégradée à un point qu’il ne peut plus ignorer. Face à ce drame, la famille va devoir s’unir afin de tenter de trouver une solution. Emmanuel Poulain-Arnaud a souhaité filmer son long-métrage comme un voyage initiatique au cœur des Landes, à Hossegor. Christ et Antoine décident d’accompagner leur fils chez son grand-père, Papichou (excellent Nicolas Marié, spécialiste des seconds rôles savoureux, touche à tout de génie au théâtre, au cinéma et à la télévision), qui habite dans la célèbre station balnéaire. Les parents souhaitent offrir à Milo ses derniers souvenirs de surfeur en tant que voyant, ils sont prêts à mettre leur rancœur mutuelle de côté.

Le drame familial est ici abordé sans misérabilisme, sans pathos excessif. Le futur handicap de Milo n’est pas traité à la légère -être condamné à la cécité en pleine adolescence est tout sauf anodin- le réalisateur exprime parfaitement en quelques scènes l’étendue du drame annoncé.
Dans le rôle de Christ, Audrey Fleurot est une mère de famille à l’opposé du personnage qu’elle incarne actuellement dans la série HPI, l’exubérante Morgane Alvaro. Ici pas de tenues extravagantes, pas de dialogues mitraillettes au cœur de la PJ de Lille. Juste une maman confrontée à l’injustice, le malheur et qui choisit de consacrer les jours qui viennent à son enfant bientôt handicapé. Face à elle, Dany Boon incarne Antoine, ce père un tantinet rigide, loin du côté bordélique de son ex-épouse, mais aussi attaché qu’elle à son fils. Un homme à l’emploi du temps bien chargé, mais qui va revoir ses priorités à l’annonce de la tragédie frappant son enfant.

La tragédie va rapprocher les ex-conjoints, notamment lors de le scène de danse, sur fond du mythique tube des Talking Heads, « Pyscho Killer » (c’est d’ailleurs toujours un immense plaisir de l’entendre ici ou là, au détour d’une série, cf. Mindhunter, The Boys, Only Murders in The Building ou encore Stranger Things) Dans le rôle d’Isabelle, la nouvelle épouse d’Antoine, la comédienne multi-talent Camille Solal brille par son côté humain, son hyper sensibilité et sa générosité excessive. Face au drame vécu par Antoine, Milo et Christ, Isabelle veut être présente, faire partie de la famille et partager sa générosité avec la famille précédente de son époux. Sa bonté exagérée ressort dans toutes les scènes qu’elle partage avec eux, elle en paraît presque démesurée et artificielle ; et pourtant, Isabelle ne veut que le bien autour d’elle.
Milo est incarné par Ewan Bourdelles, jeune comédien qui a déjà tourné au cinéma. On l’a vu à 14 ans dans la comédie Juniors avec Vanessa Paradis. A tout juste 17 ans, il donne vie à son personnage de manière plus que convaincante dans Regarde. Sa spontanéité fait des merveilles, il exprime l’énergie débordante de l’adolescence, et son rapport avec son grand-père est touchant, tout en complicité et secrets partagés.

Regarde est une comédie dramatique familiale réussie. En le réalisant et en s’appuyant sur une distribution aux petits oignons, Emmanuel Poulain-Arnaud a voulu raconter une histoire émouvante, où la tendresse, le poignant et l’espoir se mêlent avec naturel. Il a largement rempli son objectif.
Jérôme MAGNE